Perceptions locales des enjeux de gestion du lagon

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Perception locale des enjeux de gestion du lagon

 

Les changements économiques, environnementaux et démographiques en cours dans la zone VKP vont inévitablement demander d’adapter la gestion des activités lagonaires et côtières (Lasseigne, 2008). 

 

77 pêcheurs professionnels et plaisanciers ont été rencontrés dans les villages de Voh (Vook), Koné (Koohnê) et Pwëëbuu (Pouembout), et dans les tribus de Bweyeen (Boyen), Kawewath (Témala) et Bako. Ils ont indiqué leurs pratiques et leur point de vue sur leurs territoires de pêche (à l’aide de cartes), l’état de la ressource, les changements en cours et les problèmes de gestion. Les thèmes sur lesquels les pêcheurs pensaient qu’il fallait agir ont aussi été identifiés. Des chercheurs, des associations, l’industriel minier KNS, et la province Nord ont également été interrogés pour confronter les visions de chacun.

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puce_right.gifL'organisation sociale de l'espace lagonaire

Il ressort que les règles de gestion informelles en vigueur aujourd’hui sont globalement perçues comme efficaces, car elles permettent de réduire le nombre de conflits d’usages et d’en contrôler l’intensité.

Ces règles reposent d’abord sur une organisation précise de la fréquentation dans le lagon, qui est découpé en sous-zones plus ou moins appropriées par des groupes sociaux précis (par exemple une tribu). Ses délimitations peuvent être sujettes à débat, mais elles sont généralement connues et reconnues. Certaines zones sont ainsi vécues comme exclusives (comme la « réserve » de la tribu de Xujo (Oundjo), mais aussi certaines mangroves), tandis que d’autres zones sont beaucoup plus partagées. On note aussi que, les Kanak, les Caldoches et les Métropolitains fréquentent généralement des endroits différents et y ont des pratiques différentes. Il existe un système informel de surveillance et de sanction (sous une forme plus ou moins violente), qui compte souvent plus pour les pêcheurs que la réglementation officielle de la province Nord. Les pêcheurs ont globalement le sentiment de gérer eux-mêmes la pêche dans le lagon…

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La carte des usages, dessinée à partir des enquêtes, montre un lagon divisé mais partagé et une gestion maîtrisée. Chacun sait où il peut aller et comment il doit se comporter, et ce à quoi il peut s'attendre s'il ne respecte pas les normes informelles en vigueur.

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Les inquiétudes portent essentiellement sur l’arrivée de nouveaux habitants, avec la croyance qu’ils ne partageront pas l’ensemble commun des règles et de connaissances locales. Comme illustré sur le schéma ci-dessous, ces inquiétudes sont associées à nombreux préjugés et à des scénarios supposés inéluctables si rien n’est fait :

  • La pression de pêche et la fréquentation du lagon seront plus fortes, et surtout moins bien contrôlées, et imposeront des changements dans les pratiques actuelles.
  • Les circuits de vente des poissons du lagon et des crabes vont être perturbés et risquent de mettre à mal les équilibres sociaux encore actifs aujourd’hui.
  • Des dégradations de l’environnement vont apparaître puis s’intensifier (baisse des stocks de certaines espèces, état des rivières et des mangroves, risques liés au développement minier et urbain). Cependant, l’état actuel de l’environnement est jugé encore satisfaisant.

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De nombreux usagers enquêtés craignent que si l'on ne fait rien, les nouveaux arrivants sur VKP aggravent les tensions sociales, accentuent la pression sur l'environnement et le dégradent, modifient les circuits de vente, et créent de nouvelles difficultés économiques et réglementaires.

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L’arrivée de nouveaux habitants est inévitable, mais les pêcheurs semblent exagérer l’ampleur des impacts attendus par rapport aux résultats issus des études sur la pêche lagonaire de poissons et de crabes de palétuvier. En arrière-pensée, ils semblent avoir la crainte de perdre leur accès privilégié au lagon, aux ressources et leur contrôle (Léopold et al., 2009).

 

Globalement, la majorité des personnes interrogées pense en effet que les règles actuelles sur le lagon ne résisteront pas aux changements à venir rapidement, risquant de produire plus de conflits. L'arrivée de milliers habitants d’ici 2015 concentre l’attention. Il y a un consensus pour réfléchir à de nouvelles formes de gestion, avec la participation des populations des villages et des tribus, et en partant de ce qui existe déjà (fréquentation du lagon, bonnes pratiques, contrôle, etc.). Les sujets sur lesquels les gens disent vouloir agir concernent ainsi davantage les pratiques et les normes que les aspects biologiques (abondance des ressources, captures, etc.).


 

Contact :
Jean-Michel SOURISSEAU
Institut Agronomique néo-Calédonien, IAC / Cirad