Droit et autochtonie

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Droit et autochtonie

En s’inscrivant dans le cadre fixé par les études anthropologiques et celles relatives aux activités halieutiques (activités de pêche des poissons lagonaires et suivi des crabes de palétuvier) et aux perceptions des usagers locaux sur la zone VKP, l’analyse juridique menée dans le cadre du projet COGERON avait pour objectif de déterminer les solutions s’offrant aux autorités provinciales pour gérer et, le cas échéant, formaliser les usages existant sur le domaine public maritime sur le lagon de VKP. Les différents volets de cette analyse, menée en partenariat avec le comité Ifrecor Nouvelle-Calédonie, ont fait l’objet d’une synthèse finale opérationnelle en 2011 (David et al. 2011).

 

Une étude comparée prenant en compte des situations similaires - à savoir la présence d’une revendication sur le domaine public maritime par une population autochtone pour la reconnaissance de droits - a été coordonnée par l’Université de Nouvelle-Calédonie (Zambrano, 2009). Elle portait principalement sur l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada et les Etats-Unis. Elle a fait ressortir deux éléments récurrents :

  • Il n’est généralement pas nécessaire de transférer des droits de propriété aux populations autochtones pour satisfaire leurs revendications territoriales, mais plus simplement de leur reconnaître des droits d’usage sur le domaine public maritime, si besoin en leur octroyant des droits exclusifs ;
  • L’outil privilégié pour se faire est l’aire marine protégée (AMP), dont il existe différentes formes en fonction de ses objectifs.

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Cette carte montre deux zones à accès exclusif où le projet COGERON est intervenu : le Plateau des Massacres, sous la responsabilité de la tribu de Boyen, et le lagon et la mangrove de la tribu de Oundjo. La zone constituant la «réserve de la tribu de Oundjo» s'étend plus au sud selon certaines personnes rencontrées.

 

A partir de ce double constat, l’analyse a montré que :

 

  • Une telle solution est compatible avec les règles de droit international : celle-ci apparaît comme imposée par le droit international (notamment par la Déclaration des Nations Unies de 2007 sur les droits des peuples autochtones, par la convention sur les droits de la mer de 1982 ou encore par la Déclaration de Cancun sur la pêche responsable de 1992).
  • Une telle solution est conforme au principe d’égalité des usagers du domaine public en droit français : il apparaît que la mise en place d’AMP auxquelles n’auraient accès que les tribus kanak riveraines en vue de satisfaire leurs besoins de subsistance et les usages coutumiers ne porte pas atteinte au principe d’égalité des usagers du domaine public - en application de la règle fixée par le Conseil constitutionnel, selon laquelle il est possible d’opérer des distinctions entre des personnes se trouvant dans des situations différentes, ce qui est le cas des populations autochtones et des riverains du domaine public.
  • L’absence de nécessité de faire évoluer le cadre réglementaire et législatif en vigueur en Province nord : il s’avère que le récent Code de l’environnement de la Province nord (2008) contient des dispositions satisfaisantes pour mettre en œuvre la solution préconisée, notamment au regard de son préambule et des dispositions relatives aux aires naturelles protégées, et plus particulièrement celles relatives aux aires de gestion durable.
  • Différentes formes juridiques sont envisageables afin de permettre une participation des populations locales à la gestion du domaine public maritime. Un grand nombre de formes juridiques a été envisagé et comparé (David et al. 2011). Il en ressort la nécessité de mettre en place des structures légères, n’étant pas forcément dotées de la personnalité juridique (ex : comité de gestion), au regard des revendications finalement faibles des populations pour la mise en place d’une gestion participative sur le lagon. Il a toutefois été suggéré d’étendre la possibilité aux tribus et aux groupements de droit particulier local (GDPL) de signer des conventions de gestion avec la Province nord afin de participer à la gestion du lagon, ce qui n’est pas possible en l’état actuel de la réglementation provinciale.

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Contacts :
Carine DAVID (Université de Nouvelle-Calédonie, UNC)