Concertation et participation à la gestion

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Concertation et participation

Les partenaires du projet COGERON ont mené au cours de la dernière année du projet deux actions destinées à renforcer la concertation entre les acteurs de la zone VKP en matière de gestion du lagon, et permettre in fine d’évaluer l’opportunité de mettre en place une gouvernance spécifique dans la zone VKP pour répondre aux enjeux identifiés.

 



puce_right.gifPerceptions d'acteurs clés du développement de la zone VKP

 

Cette action s’est focalisée sur des entretiens semi-dirigés avec des acteurs exerçant des responsabilités collectives publiques (ex. élus et/ou administratifs de la province Nord et des mairies) ou privées (ex. société KNS, comité environnemental Koniambo) dans le développement de la zone VKP. Réalisée deux ans après le début du projet, elle est venue compléter et valoriser les diverses enquêtes réalisées préalablement auprès des pêcheurs et professionnels associés. Guy Fontenelle, professeur à Agrocampus Ouest (Rennes) et spécialisé dans la gestion intégrée côtière, accompagné du coordinateur du projet, a ainsi effectué une mission en Nouvelle-Calédonie du 12/11/2009 au 04/12/2009 pour appuyer cette concertation.

 

Plus spécifiquement, les objectifs étaient les suivants:

 

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Comme demandé par l’exécutif de la Province Nord lors des entretiens, la synthèse des 13 entretiens réalisés (Fontenelle et Léopold, 2009) lui a été adressée en juillet 2010 pour présenter des orientations possibles en vue de promouvoir une meilleure gestion du lagon de VKP face aux nouveaux enjeux liés à la transformation majeure de la zone VKP. Les bases de réflexion étaient les suivantes :

 

  • La gouvernance du lagon est-elle suffisamment robuste pour résister aux changements en cours ?
  • Quelles innovations/expérimentations seraient intéressantes ? Quelles voies seraient à privilégier pour mobiliser les parties prenantes ?
  • Comment pourrait-on favoriser une réflexion des acteurs pour une gouvernance adaptée à ces changements? Quelles incitations seraient pertinentes de la part de la Province Nord ?

 

Malgré la durée limitée et le petit nombre d’acteurs rencontrés, les réflexions issues des entretiens amènent à plusieurs constats intéressants. Il apparaît tout d’abord que les changements actuels et à venir sur le lagon, ses usages et le paysage côtier tels qu’identifiés dans le projet COGERON sont correctement perçus et partagés par les acteurs rencontrés.

 

Pour autant, ils ne semblent pas aujourd’hui constituer l’une de leurs principales préoccupations et priorités d’action - à l’exception des impacts directs du projet Koniambo sur le milieu marin. Force a été de constater que celles-ci sont surtout d’ordre terrestre en raison de l’accélération de l’aménagement : le projet Koniambo constitue clairement un projet politique « hors-normes » qui doit d’abord assurer la réussite sociale et économique de l’usine du Nord, même si la protection de l’environnement y a aussi sa place. Des investissements énormes ont permis l’envol du développement de VKP, qu’il s’agit désormais de pérenniser dans la phase de production de l’usine, à partir de 2012. Les considérations économiques et les retombées sociales pour la population risquent donc de primer sur le 3ème pilier du développement durable (l’environnement) dans les prochaines années, comme durant la période 2006-2010, d’autant que les communes sont surchargées par l’ampleur et l’urgence des investissements à réaliser en termes d’infrastructures et d’accompagnement de l’urbanisation galopante.

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Ce schéma synthétise le diagnostic des enjeux actuels sur le lagon de VKP dressé par le projet COGERON, et partagé avec les acteurs-clés du développement qui ont pu être enquêtés. Les principaux risques pèsent bien sûr directement sur l'environnement littoral, mais aussi sur les rôles social, culturel et économique du lagon et de la pêche lagonaire. Le lagon demeure une entité qui fonctionne comme un système terre-mer.

 

Il ressort d’ailleurs que la population ne semble pas suffisamment informée des bouleversements à l’œuvre sur l’environnement et ses modes de vie, malgré les dispositifs d’information actuels. Elle manifeste la volonté de participer aux décisions qui concerne son environnement et son avenir, ce qui correspond aussi à la volonté affichée des collectivités. Les entretiens ont ainsi permis de clarifier leur position sur les logiques participatives, même si les discours relevés en la matière n’engageaient pas d’action à court terme. En particulier, il a été relevé que le Comité Environnemental Koniambo (CEK), chargé justement par la Province Nord et KNS de la concertation en matière d’impacts directs du projet Koniambo sur l’environnement (Charte environnementale du projet Koniambo, 2006), montre certaines insuffisances dans son fonctionnement. Il ne semble pas (encore) parvenu à jouer un rôle majeur pour canaliser les revendications locales sur la protection de l’environnement.

 

Finalement, l’avenir du lagon de VKP apparaît lié à l’avenir du territoire terre-mer et à une gouvernance innovante, sans que celle-ci ne soit encore dessinée. Dans ce contexte, comment les différents usages du lagon, qui sera soumis à des pressions croissantes dont chacun a conscience, pourraient-ils être intégrés dans les politiques de développement des collectivités ? Ces questions touchent directement la manière dont les habitants de VKP « vivent » et « vivront » leur lagon.

 

Une des suggestions serait d’aller vers un plus grand partage des responsabilités entre les acteurs politiques et civils montrant une communauté d’intérêts en matière d’usages du lagon, voire plus globalement en matière de développement local (approche plus intégrée des enjeux) : les représentants du projet Koniambo, les institutions (dont la province Nord et les trois communes) et leurs habitants (autorités coutumières, milieux professionnels, société civile). En favorisant les échanges entre ces groupes, qui ont des enjeux et des agendas parfois différents, une gouvernance innovante permettrait en même temps de mieux prendre en compte les diverses composantes du système « lagon » dans les politiques d’accompagnement du projet Koniambo. C’est en ce sens que le projet COGERON a souhaité agir pour ce qui peut relever de ses compétences.

 

La province Nord (élus et administratifs) a notamment manifesté lors des entretiens son intérêt à approfondir les pistes de travail relevées lors de cette mission grâce à un appui méthodologique. Sur ce constat, des ateliers participatifs ont été organisés par le projet COGERON en 2010.

 


puce_right.gifOrganisation d'ateliers participatifs

 

Deux ateliers participatifs ont été animés en août 2010 par Jean-Eudes Beuret, professeur à Agrocampus Ouest et spécialiste de la gestion concertée des ressources naturelles et des territoires. Mêlant des résultats du projet Cogeron, des apports théoriques sur la concertation et des travaux sur des études de cas, ces ateliers visaient à amener des propositions pour engager des démarches de gestion concertée, autour des enjeux de gestion du lagon de VKP.

 

 

 

ATELIER 1 : Le premier atelier a réuni pendant une journée (03/08/2010) des représentants coutumiers de l’Aire Paici-Cemuki, des membres de l’exécutif et de l’administration de la province Nord ainsi qu’un élu communal (10 participants). Il s’est décomposé en plusieurs étapes :

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Diagnostic partagé sur les risques et enjeux pesant sur le lagon de VKP

 

A partir d’un travail en binôme, les participants ont hiérarchisé et spatialisé 11 risques/enjeux économiques, environnementale ou sociales prioritaires et d’autres plus secondaires. La spatialisation des phénomènes fait apparaître que trois échelles géographiques de gestion seraient à considérer : la zone VKP (majorité des enjeux), la zone située aux alentours de l’usine à Vavuto, et enfin des zones plus localisées pour des risques ou enjeux spécifiques.

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Identification et spatialisation des structures de coordination existantes 

 

La participation dans la zone est surtout constituée d’espaces de dialogue à l’intérieur de groupes d’intérêts communs (représentants coutumiers, pêcheurs professionnels, etc.), où les intérêts environnementaux sont faiblement représentés, ou très institutionnalisée (ex. groupes d’acteurs publics, enquêtes publiques, Comité Environnemental Koniambo (CEK), commission extra-communale de Pouembout). Il ne semble pas ou peu exister de démarche endogène. Les tensions identifiées sont majoritairement liées à l’accessibilité de certaines zones du lagon.

 

La comparaison avec le diagnostic précédent a fait ressortir que la plupart des enjeux sont traités au cas par cas par la Province et les communes (en fonction du domaine de compétence de chacun) lorsqu’ils cristallisent. Cette gestion non proactive apparaît globalement pertinente pour définir des points d’ancrage concrets pour favoriser la participation, par exemple sur des points de tensions/conflits.


 

Identification de 7 pistes d’action envisageables sur le lagon et la zone côtière

 

Améliorer l’information du public, améliorer le fonctionnement du CEK, améliorer la participation du public et la coordination entre collectivités en matière d’urbanisation, organiser la filière pêche, réfléchir à la gestion de l’accès aux ressources halieutiques, favoriser une meilleure représentation de la pêche non professionnelle et des intérêts environnementaux de la part de la société civile.

ATELIER 2 : Suite logique du premier atelier, ce deuxième atelier s’est tenu sur deux jours (10-11/08/2010) et a été élargi à des acteurs locaux (associations de pêcheurs, CEK) ou ayant une expérience de la concertation ou de la cogestion en Nouvelle Calédonie (25 à 30 participants). Il s’est déroulé en trois étapes.

Partages d’expériences et lecture transversale

Afin d’enrichir les réflexions sur les pistes envisageables sur VKP en matière de participation, cinq intervenants ont présenté des processus participatifs extérieurs ou intérieurs à la zone VKP pour expliquer comment ont été mises en place les démarche de dialogue (Qui est à l’initiative ? Quel est l’objectif ? Quelles étapes / processus / outils ? Qui anime ? Comment les acteurs ont-ils été mobilisés / intéressés ? Qu’est-ce qui a facilité / freiné la démarche ?). Ces démarches bénéficient toutes d’un appui régulier des collectivités ou d’ONG pour l’animation et/ou le financement des actions, y compris lorsque les initiatives sont endogènes (2 sur 5). Dans ce cas, elles ont fait suite à des préoccupations ou des conflits locaux.

Priorisation des pistes d’action sur VKP

Un travail en groupe suivi d’un débat en séance plénière a permis de sélectionner trois pistes d’action prioritaires, qui ont pu être approfondies le second jour de l’atelier par un nouveau travail de groupes :

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  • Comment améliorer le fonctionnement du CEK ?

La diffusion vers le public de l’information environnementale mise à disposition du CEK par l’industriel a été identifiée comme le point le plus critique. Les contraintes sont diverses. Les moyens financiers, humains et matériels ne permettent pas au comité de mener cette mission d’une façon efficace, eut égard à la quantité de données à analyser pour ensuite pouvoir les vulgariser et les transmettre au grand public. Prioriser les thèmes à traiter en fonction des préoccupations du public permettrait de palier partiellement à ce manque de moyens. A noter que le projet COGERON a contribué à faciliter l’accès du public à ces données en créant en 2010 un démonstrateur, en collaboration avec le CEK et l’industriel.

Par ailleurs, le contexte actuel de VKP ne favorise pas la mobilisation du public et des élus sur les impacts environnementaux du complexe minier, davantage préoccupés par les retombées économiques, comme l’avaient relevé des études antérieures du projet COGERON. Il apparaît ainsi un manque problématique d’implication de la part de certains membres du CEK, auquel il manque un mandat fort en matière de campagne d’information.

 

  • Comment gérer les conflits d’usage sur le lagon ?

Deux origines aux conflits passés et aux tensions actuelles sont relevées sur lagon de VKP : le partage d’une ressource à forte valeur (ex. le stock d’holothuries sur le plateau de Koniène) et l’organisation territoriales des usages, méconnue ou refusée par certains usagers. La difficulté vient d’une confrontation entre les règles coutumières et le Droit public, qui stipule que le Domaine Public Maritime est inaliénable et ne permettrait donc pas l’appropriation d’une zone lagonaire par un groupe.

Toutefois, d’après les conclusions des études juridiques réalisées dans le projet COGERON ne solution prévue dans le Code de l’environnement de la province Nord a été discutée : elle consisterait à mettre en place des Aires de Gestion Durable dans les zones concernées par des tensions ou des enjeux spécifiques. Un comité informel pourrait être chargé d’en définir les règles d’usages, en concertation étroite avec la province Nord, compétente en matière de gestion des ressources. Pour cette même raison, il lui revient de lancer le processus, sans attendre que les tensions n’évoluent en conflits.

Plusieurs alternatives sont envisageables : une approche en partie localisée sur VKP mais pouvant inclure d’autres zones de la province Nord, une approche localisée à l’intérieur de VKP (ex. cas de Boyen sur le plateau des Massacres), ou du lagon situé en face de la tribu de Oundjo), une approche incluant l’ensemble du lagon VKP pour éviter les ressentiments d’exclusion d’une partie des usagers.

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  • Comment mobiliser les élus des collectivités autour de la gestion du lagon ?

 

La mobilisation de ces acteurs clés des processus décisionnels consiste à trouver des moyens de les intéresser à ces problématiques et de les impliquer dès le départ dans certaines initiatives, en assurant une cohérence avec les actions des administratifs. Plusieurs pistes sont citées. L’organisation d’un évènement festif sur des questions précises (tel le forum « Tortue » organisé par la province Nord en 2010) pourrait permettre aux élus d’être les témoins directs des préoccupations du public, au même titre que l’interpellation par l’image ou par des témoignages. L’information du grand public sur ces enjeux peut aussi lui permettre d’interpeller directement les élus.Concertation7_280.png

 

C’est dans ce sens que le projet COGERON a financé la production d’un documentaire grand public sur les enjeux du développement à VKP (Voir la bande-annonce du documentaire «Cogérons le lagon» sur www.youtube.com). Ce film a fait l’objet d’une projection-débat en juillet 2011 avant sa sortie sur une chaîne TV de Nouvelle-Calédonie. Il reprend et complète le livret d’information publié par le projet en novembre 2009 (Léopold et al., 2009, 26 p, 500 exemplaires), et diffusé aux personnes enquêtées et autres acteurs concernés. Le démonstrateur Surval mis à disposition du CEK pour analyser et restituer la donnée environnementale collectée par l’industriel répond au même objectif d’information et de sensibilisation, sous un troisième format.

 

Enfin, l’utilisation de personnes et/ou d’organismes relais entre les élus et les acteurs locaux sur le terrain peut être envisagé. C’est d’ailleurs là l’un des objectifs du projet COGERON dans sa globalité. Trois conférences-débats ont par exemple été organisées sur les résultats du projet en décembre 2007, décembre 2008 et décembre 2009 dans la salle de l’Assemblée de la province Nord, et les commissions d’élus provinciaux relatives au développement économique et à l’environnement ont été tenues informées de l’avancement du projet.

Ces réflexions et pistes d’action concrètes identifiées lors des ateliers participatifs renvoient à l’opportunité d’agir pour renforcer et/ou mettre en place des démarches de participation / coordination / gestion, à la capacité et à la volonté des acteurs locaux pour le portage de telles démarches (en particulier la province Nord, dont le soutien sera nécessaire à toute initiative), et à l’échelle spatiale à considérer en fonction des objectifs visés.
Les études réalisées par le projet COGERON préalablement à ces ateliers ont pu alimenter avantageusement les discussions entre les participants, et/ou initier des actions allant dans le sens des pistes identifiées lors des ateliers.

 



Contacts :
Marc LEOPOLD (Institut de Recherche pour le Developpement, IRD)
Guy FONTENELLE, Jean-Eudes BEURET (Agrocampus Ouest)