Cogestion des ressources d'holothuries

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Cogestion des ressources d'holothuries

La pêche des holothuries s’est fortement développée en Nouvelle-Calédonie depuis 2007. Tournée exclusivement vers l’exportation, l’activité a en effet profité de l’envolée des cours mondiaux, provoquée par la diminution des stocks à l’échelle du Pacifique. Ces changements ont augmenté la pression sur les stocks de l’archipel à un niveau préoccupant.

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Les holothuries sont appelées bêches-de-mer une fois transformées. Le procédé, qui reste artisanal, conditionne la qualité du produit fini : les holothuries sont éviscérées, salées, bouillies puis séchées avant d'être exportées vers le marché de Hong Kong.

C’est le cas sur le Plateau des Massacres, un site du lagon VKP réputé pour sa forte densité en holothuries « gris » Holothuria scabra, et actuellement exploité par des pêcheurs de la tribu de Boyen. Constatant depuis plusieurs années une raréfaction des holothuries de taille commerciale (20 cm), les pêcheurs avaient mis en place un système empirique de fermeture temporaire de la pêche en 2007.

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Le Plateau des Massacres abrite le plus grand herbier de Nouvelle-Calédonie, avec 26 km², et un important stock d'holothuries « gris ». L'habitat est hétérogène (nature des sédiments, couverture de l'herbier, exposition à la houle, etc.) et une image satellitaire à haute résolution a été utilisée pour le cartographier et faciliter l'évaluation des stocks. La baie de Nouméa représente le second site de pêche des holothuries « gris » de la tribu de Boyen. Le projet COGERON a développé la même approche de cogestion sur les deux zones.

Dans le cadre du projet COGERON, le service des pêches de la province Nord et l’IRD ont apporté leur soutien technique à cette initiative locale pour mettre en place un protocole de gestion opérationnel avant la reprise de la pêche en 2008. Cette démarche consiste en six étapes qui constituent un cycle de cogestion, associant les pêcheurs de Boyen et la province Nord (service des pêches et gardes nature) pour chaque action et décision (cf. graphique ci-dessous). Les pêcheurs ont également instauré certaines restrictions (prises maximales par pêcheur par semaine, limitation de l’accès à la ressource en fixant le nombre de licences…) encore non formalisées, mais de nature à partager la rente de cette pêcherie.

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Une base de données sous Access MS et un guide méthodologique ont été développés en 2010 par le projet COGERON pour rendre autonomes les gestionnaires de la province Nord en matière de calculs d’indicateurs et d’évaluations des stocks (Duvauchelle, 2010. M2 Agrocampus Ouest / IRD). Ces outils devraient également permettre de consolider le processus tout en facilitant son extension vers d’autres pêcheries.

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Le cycle de cogestion a été reconduit six fois depuis 2008, ce qui témoigne de son acceptation locale due à son succès remarquable. Le stock exploitable du Plateau des Massacres a en effet progressé d'un facteur 4 en trois ans.

Ce système adaptatif de cogestion unique dans le Pacifique se révèle efficace : le stock est en nette progression depuis 2008 et l’activité est devenue très rentable pour les pêcheurs. Cette approche appliquée de cogestion illustre le partenariat réussi entre pêcheurs, gestionnaires publics et scientifiques. Les facteurs clés du succès de ce système sont 1) la forte cohésion au sein de la communauté de pêcheurs, renforcée par l’augmentation significative de la ressource et de la rente, et garante d’une gouvernance collective efficace ; 2) la simplicité du système halieutique, constitué d’une seule espèce peu mobile, facilement accessible et exploitée pour l’exportation ; 3) la localisation de la pêcherie sur une zone restreinte et côtière.

Le contexte favorable et spécifique rencontré à Boyen ne doit pas être sous-estimé avant d’envisager d’étendre le système de cogestion à d’autres pêcheries d’holothuries. L’enjeu actuel est en effet d’augmenter l’échelle de gestion pour obtenir des impacts plus importants à l’échelle des captures de la Nouvelle-Calédonie, dont les pêcheries de Boyen représentent environ 5 %, voire dans d’autres pays du Pacifique.

Dans cette perspective, un documentaire de 13 minutes a été réalisé pour présenter cette expérience auprès d’autres instances publiques, scientifiques ou locales (voir le documentaire video IRD sur www.ird.fr). Il a aussi été projeté à Halifax en juin 2011 dans le cadre d’une conférence internationale sur la gestion locale des pêcheries artisanales (Leopold et al., 2011).

La méthode d’évaluation des stocks développée à Boyen a été utilisée sur la zone VKP dans la zone d’influence de la tribu voisine de Gatope et plus au sud sur le Plateau de Koniène, ainsi qu’au Vanuatu, dans le cadre de la mise en place d’une politique des pêches nationale.

Le transfert du système de cogestion vers d’autres types de ressources est encore plus complexe, voire problématique, même à l’intérieur de la zone VKP. Cela explique l’orientation différente retenue dans le projet COGERON envers les ressources de poissons lagonaires et de crabe de palétuvier, qui répondent à d’autres facteurs de changement (Filière des produits de la mer): l’accent a été déployé sur les suivis d’indicateurs de l’état des ressources à l’attention des gestionnaires la province Nord et de l’industriel KNS, sans déboucher sur des systèmes de gestion aussi contrôlés que celui de la pêcherie d’holothuries de Boyen.


 

Contacts :
Marc LEOPOLD, Serge ANDREFOUET (Institut de Recherche pour le Developpement, IRD)
Zacharie MOENTEAPO , Nathaniel CORNUET (Service des pêche de la Province nord)