Poissons lagonaires

 

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Suivi des ressources de poissons lagonaires

Dans le cadre d’une thèse de doctorat réalisée de 2007 à 2009 en partenariat avec le projet COGERON (Nicolas Guillemot, thèse CIFRES Agrocampus Ouest / IRD / KNS), et dont les résultats ont alimenté le projet, les peuplements de poissons récifaux et leur structuration spatio-temporelle entre 2002 à 2007 ont été décrits et caractérisés in situ (Guillemot, 2009).

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Préalablement au lancement du chantier de l’usine du Nord sur la presqu’île de Vavuto, l’objectif était de contribuer à mettre en place un suivi à long terme des ressources en poissons récifaux grâce à l’utilisation d’indicateurs in situ des effets de la pêche, l’optimisation du plan d’échantillonnage des récifs par observations visuelles en plongée (UVC), et l’utilisation de méthodes complémentaires aux comptages sous-marins pour des suivis routiniers des communautés de poissons (par exemple à l’aide de systèmes vidéo immergés).

 


puce_right.gifLes peuplements de poissons récifaux de VKP

Des analyses statistiques descriptives des peuplements de poissons observés ont été réalisées, ainsi que des analyses temporelles pour l’étude de la variabilité des ressources et de ses causes (anthropiques ou naturelles, comme les cyclones). Il ressort que les peuplements de poissons récifaux sont structurés selon l’habitat à plusieurs échelles (en particulier selon la géomorphologie des récifs : récif barrière, lagonaire, frangeant…). Ils sont en outre très variables temporellement, notamment suite au cyclone Erica en 2003 et à ses conséquences sur les écosystèmes coralliens locaux. Les résultats montrent la nécessité de prendre en compte cette forte variabilité spatio-temporelle pour toute étude future de suivi des ressources.

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Les observations visuelles en plongée (comptages de poissons et relevés d'habitat) ont été initiées en 2002 sur un réseau de stations localisées sur les récifs barrière et lagonaires (points noirs sur la carte), grâce à un partenariat entre l'IRD, la CPS, la province Nord, et la société minière responsable du chantier de l'usine du Nord. Depuis 2008, elles sont réalisées par des prestataires de la société KNS dans le cadre de son suivi annuel à long terme.

 

Le travail a ensuite consisté à étudier et modéliser la réponse des peuplements de poissons récifaux à la pression de pêche, afin d’identifier des indicateurs pertinents des effets écologiques de la pêche sur les ressources récifo-lagonaires. La distribution spatiale de la pression de pêche dans le lagon de VKP a été cartographiée préalablement. Malgré des contrastes de pêche relativement faibles et les fluctuations naturelles, il est possible d’observer des effets de la pêche sur les caractéristiques des peuplements. De plus, ces effets sont suffisamment marqués pour permettre l’identification d’indicateurs utilisables sur les long terme (càd des variables descriptives dont les variations répondent de manière significative aux niveaux de pêche actuels, et donc a fortiori futurs).

Suivi-poissons4_580.pngRésultats synthétiques d'un modèle statistique multivarié, analysant les effets du type de récif (frangeant, intermédiaire, barrière), de l'habitat, du site, de l'année (variations naturelles) et de la pêche sur l'abondance et la diversité de l'ensemble des peuplements de poissons (« toutes espèces ») des ressources seulement (« espèces ciblées »). Les effets significatifs sont indiqués par ordre d'importance * à ***, et par « ns » dans le cas contraire.
(Guillemot, 2009)


puce_right.gifLa mise en place d'un suivi à long terme des ressources en poissons lagonaires de VKP

Suivi-poissons5_280.jpgLes coûts d’échantillonnage constituent une contrainte essentielle dans le cadre d’un suivi routinier à long terme. Les indicateurs à retenir ne doivent pas être seulement des variables répondant à l’impact dont ils estiment les effets ; ils doivent aussi être faciles à échantillonner et ne pas exiger un niveau d’expertise trop élevé en regard des moyens disponibles. Des indicateurs simples à acquérir faciliteraient en outre la collecte des données en offrant la possibilité de multiplier les points d’observation pour un coût donné. Dans le cadre d’un échantillonnage par comptages sous-marins, cela peut correspondre à une restriction du nombre d’espèces considérées ou à l’adoption d’une précision taxonomique plus faible lors des relevés (familles au lieu des espèces par exemple).

On a donc cherché à déterminer les familles de poissons satisfaisant un certain nombre de critères pour un suivi routinier par observations sous-marines :

  • Famille dont la majorité des espèces est significativement ciblée par la pêche, et ne correspondant pas exclusivement à un seul engin de pêche ou à une pêche marginale en regard des principales activités de la zone VKP – Voir Activités de pêche de poissons lagonaires),
  • Réponse significative à la pression de pêche selon des modèles présentés précédemment,
  • Détectabilité par comptages satisfaisante avec un niveau d’expérience limité,
  • Distribution et abondance suffisantes dans le lagon VKP.

 

Parmi les ressources candidates (mulets, becs, bossus, loches, perroquets, picots et picots kanak), les perroquets (famille des Scaridés) et picots kanak & dawas (famille des Acanthuridés) semblent les plus intéressantes. Leur réponse spécifique à la pression de pêche a donc été analysée plus finement. Il ressort que l’abondance des picots kanak est la plus sensible à la pressions de pêche estimée sur le lagon de VKP, et pourrait constituer un indicateur efficace pour le suivi in situ des effets de la pêche à long terme. Par ailleurs, le niveau de leur biomasse sur les différents types de récifs et d’habitats est significativement corrélée au niveau de la biomasse totale de poissons (r² = 0,84), ce qui renforce la pertinence de cette variable comme indicateur des effets de la pêche sur les peuplements récifaux.

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Ces modèles prédisent la densité (a) et la biomasse (b) d'Acanthuridés (Picots kanak et dawas) pour des pressions de pêche faible (1 t/ha/an, triangles noirs) et forte (50 t/ha/an, ronds noirs). Les valeurs prédites sont détaillées pour les différents habitats dans chaque type de récif : la première lettre désigne une classe de couverture en corail vivant (« P », petit : = 10 % ; « M », moyen : de 11 à 20 % ; « G », grand : > 20 %), la seconde lettre la nature du substrat (« D », dur : dominante de substrat dur ; « M », meuble : dominante de substrat meuble). Les intervalles de confiance (95%) pour la prédiction de chaque valeur sont indiqués
(Guillemot, 2009)

Le choix de cibler les suivis in situ sur certaines espèces récifales exploitées permet par ailleurs de faire évoluer la méthode d’observation vers un dispositif moins coûteux et plus simple à mettre en œuvre que les comptages en plongée. Dans cet objectif, un dispositif de suivi en routine par observations sous-marines de poissons indicateurs réalisées à partir de la surface (et non plus en plongée), a été expérimenté dans le lagon sud-ouest de Nouvelle-Calédonie en 2010. Financée par l’Ifrecor Nouvelle-Calédonie, cette étude établit les intérêts et les limites de cette méthode (Guillemot et al., 2010), qui pourrait être appliquée dans le lagon VKP en complément du suivi de la biodiversité réalisé chaque année par l’industriel KNS.

 



Contacts :
Nicolas GUILLEMOT,
Pascale CHABANET
, Marc LEOPOLD (Institut de Recherche pour le Developpement, IRD)