Activités de pêche de poissons lagonaires

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Activités de pêche de poissons lagonaires

 

Si les pêcheurs professionnels (titulaires d'une licence annuelle) sont accompagnés par la Province nord, la pêche non professionnelle de poissons lagonaires sur la zone VKP était jusqu'à présent très peu connue. Cette pêche (qualifiée d'informelle) regroupe la pêche de plaisance et la pêche vivrière, y compris lorsque le poisson est vendu sur le marché parallèle. L'étude des activités de pêche et de la pression résultante sur les poissons lagonaires a débuté en 2007 dans le cadre du programme national sur l'environnement côtier (PNEC) en Nouvelle-Calédonie, afin d'en dresser un état des lieux avant les changements attendus avec le chantier de l'usine du Nord.

La prise en compte de ces résultats dans une perspective de gestion a été approfondie par le projet COGERON par une analyse spatiale des activités (réalisation d'un atlas) et de l'opportunité de mettre en place un suivi des activités, et par des études complémentaires : l'étude des filières de valorisation des produits lagonaires, des moyens de suivre l'état des ressources in-situ et de l'appui juridique qui pourrait être apporté à la gestion des activités (droit et autochtonie, concertation et participation à la gestion).

L'exploitation du crabe de palétuvier - une autre ressource d'importance dans toute la zone VKP – a fait l'objet d'une attention comparable dans le cadre du projet COGERON.

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Dans le cadre de sa thèse de doctorat réalisée en partenariat avec l’industriel KNS et le projet COGERON à partir de 2008 (Guillemot, 2009), Nicolas Guillemot a coordonné des enquêtes entre septembre et novembre 2007 auprès de 146 pêcheurs non professionnels propriétaires d’une embarcation à moteur, afin de quantifier et de spatialiser les pratiques informelles. Les pêcheurs ont été rencontrés à leur domicile en tribu (Oundjo, Gatope, Bako, Témala, Boyen) ou aux rampes de mises à l’eau pour les pêcheurs des villages de Voh, Koné et Pouembout. Les interviews portaient sur leurs captures et leur effort de pêche de 2007 (par espèce de poisson, engin de pêche), avec une localisation de leurs zones de pêches habituelles sur une image satellitaire au 1/130000ème. Les données ont ensuite été extrapolées à l’échelle de la pêcherie lagonaire de la zone VKP.

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Le nombre de bateaux en activité dans le lagon de VKP en 2007 a été estimé à 320 (soit 1 bateau pour 26 habitants), dont la totalité pratique la pêche plusieurs fois dans l’année. Hormis la pêche professionnelle (25 t de poissons en 2007), la pêche sur VKP représentait environ 170 tonnes de poissons et 8000 sortie de pêche par an. Les familles de poisson les plus pêchées (en termes de production annuelle), avec les engins majoritairement utilisés pour leur capture, sont :

  1. les bossus et becs (Lethrinidés : 42 t/an – Ligne à main)
  2. les picots kanak et dawas (Acanthuridés : 28 t/an – Filet et fusil-harpon)
  3. les mulets (Mugilidés : 20 t/an – Filet)
  4. les perroquets (Scaridés : 17 t/an – Filet et fusil-harpon)
  5. les saumonées et loches (Serranidés : 17 t/an – Ligne à main et fusil-harpon)
  6. les picots (Siganidés : 14 t/an – Filet et fusil-harpon)

Le gros de la production provient de Koné, principale agglomération avec 137 bateaux en activité et le 1/3 des captures, mais aussi de localités plus modestes comme les tribus de Oundjo et Gatope ou le village de Voh.

 

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En effet, dans l’ensemble, 8 bateaux sur 10 pêchent moins de 40 kg de poisson par sortie, et 7 bateaux sur 10 sortent moins de deux fois par mois. Mais les habitudes et les captures varient beaucoup entre les pêcheurs, et une typologie des pêcheurs enquêtés révèle une forte structuration spatiale et sociale des activités de pêche. Ces différences de pratiques sont liées au contexte social et professionnel du pêcheur, et à l’objectif de la pêche (plaisance, pêche vivrière, vente). Les habitants de Koné et Pouembout sont ainsi plutôt caractérisés par une activité de plaisance (sorties les week-ends, pêche peu productive par sortie, concentrée près du récif barrière) alors que dans les villages de Voh et Témala, plus ruraux, les habitudes sont plus proches des pêcheurs des tribus de Boyen, Témala ou Bako (bateaux plus petits, sorties plus nombreuses, plus proches de la côte et en bord de mangrove, pêche au filet plus répandue). Les zones de pêche dépendent également du lieu de résidence. La pêche était une source de revenus importante pour plusieurs pêcheurs de Oundjo et Gatope en 2007.

Activites5_580.pngCette carte illustre les zones de pêche habituelles des pêcheurs non professionnels de VKP en fonction de leur lieu de résidence (les villages sont figurés en lettres capitales, les tribus en minuscules). Elle montre clairement que les pêcheurs fréquentent de manière presque exclusive le lagon situé à proximité. Pour se rendre dans le secteur nord de la zone, les pêcheurs de Koné et Pouembout doivent par exemple contourner la zone exclusive de pêche de Oundjo par l'extérieur du récif sur près de 15 km, ou véhiculer leur bateau jusqu'à la rampe de mise à l'eau de Gatope.

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Les données et estimations avec leur composante spatiale ont été gérées dans un SIG et un atlas a été édité. La liste des cartes disponibles est la suivante :

  • captures totales (kg/ha/an)
  • effort total (sortie/ha/an)
  • rendements (kg/sortie/ha)
  • liens entre localité de résidence et zones de pêche fréquentées
  • captures par principaux engins de pêche : filet, fusils, ligne
  • captures par localité de résidence des pêcheurs : toutes les localités de la zone
  • capture par espèce ciblée (nom commun) : bossu, dawa, mulet, bec de cane, perroquet, loche, picot, rouget, carangue, picot kanak, crocro, brême, saumonée, blanc-blanc, casteix, tazard
  • captures selon leur destination : autoconsommation, vente

 

Le développement économique de la zone VKP entraîne l’arrivée de nouveaux résidents (+6000 habitants attendus entre 2007 et 2015). Le nombre de bateaux augmentera probablement de façon rapide, les immatriculations étant chaque année plus nombreuses. Cela devrait conduire à une fréquentation du lagon et à une pêche plus importantes dans les dix prochaines années pour plusieurs raisons : augmentation de la pêche de plaisance avec l’urbanisation, de la consommation de poissons et de crabes, des opportunités nouvelles de vente pour les pêcheurs locaux, etc. Il s’agit donc d’anticiper ces changements prévus, en prenant en compte la grande différence des modes de pêche et de vie dans les villages et les tribus. Cet enjeu est également perçu comme prioritaire par les habitants de la zone VKP, comme le montre une étude de l’IAC en 2008 réalisée dans le cadre du projet COGERON. Dans cette perspective, l’opportunité de formaliser dans une certaine mesure l’organisation socio-spatiale mise en évidence a été analysée par l’approche anthropologique et juridique du projet.

L’importance de mettre en place un suivi de la pêche non professionnelle et des ressources dans les années à venir, afin de surveiller ses impacts, semble aussi opportun. Les incertitudes concernant l’évolution des niveaux d’exploitation et de la répartition spatiale de la pression de pêche sur la zone VKP représentent en effet un enjeu de gestion important. Un développement rapide va certainement s’accompagner à court terme de changements des pratiques de pêches, comme le suggère la typologie réalisée ici.


Les modalités de ces changements devront être analysées afin de pouvoir réagir viades mesures de gestion adaptées. Il existe à la fois une nécessité de caractérisation des pêcheries au fur et à mesure de leur évolution (informations complètes) et de réactivité face à des changements rapides (informations fréquentes). Un suivi composite en deux volets (correspondant à des pas de temps différents) semble constituer une option intéressante, qui fait toujours défaut en 2011 :

  1. un suivi des débarquements d’un petit échantillon de pêcheurs pour examiner, en continu, l’évolution des pratiques et des rendements.
  2. des états des lieux globaux par enquêtes sur les habitudes de pêche, sur une base biannuelle, pour suivre l’évolution des activités de pêche. Précédemment, le manque de données historiques sur la pêche dans les pays insulaires du Pacifique a souvent été souligné. Le premier état des lieux présenté ici fournit une amorce à l’acquisition de ce type de série temporelle de données, dans une zone où les enjeux de gestion à venir sont omniprésents et dont la taille autorise une caractérisation complète et quasi exhaustive des activités viaun échantillonnage réaliste et raisonnable en termes de coûts.

La réponse des peuplements de poissons récifaux à la pression de pêche devrait également être suivie en parallèle, à l’aide d’indicateurs clés, afin d’améliorer les capacités explicatives des données collectées et estimées.